Je vous diras bien "par la force des choses" mais ce serait trop facile. Il fut un temps où posséder un ordinateur, surfer sur le web, "chatter" ou bien blogger ne faisaient pas partie de mes priorités, il fut un temps où cette bulle qui me protège et qui me fait tenir n'avait pas lieu d'être, il fut un temps où.
Je vous parlerais bien de cette envie que j'ai eu quand je voyais tous mes amis naviguer sur cet immense réseau, je voulais être comme eux, je voulais normale, moi aussi je voulais aller sur des sites futiles, moi aussi je voulais "parler" sur MSN. Et cette normalité abstraite, cette envie profonde, ce malaise que je ressentais de n'être que la dernière à ne pas posséder d'adresse mail, tout ça a disparu. Car on juge ceux qui passe beaucoup de temps devant leur ordinateur, on les traite d'associaux et autres diffamations. Tout s'est inversé. Dans le Monde comme dans ma vie. Au temps où c'était cool, je n'étais qu'une paria, une sorte de laissée-pour-compte, aujourd'hui, au temps où c'est une maladie que l'on veut soigner, je suis une paria.
Les temps ont changé, les choses ont évolué, en quittant le doux cocon familial, en regrettant mes années de lycée, je suis devenue indépendante et encore plus seule que je ne l'étais. Internet devint un refuge, mes premiers pas dans l'indépendance se sont calqués sur mes premières connections sur la Grande Toile. Je tenais, je résistais à mes envies de pleurer parce que je me raccrochai à ce bout de vie que m'offrait Internet. Parce que je faisais mes études loin de mes plus proches amis, MSN fut ma maigre consolation : je pouvais encore les toucher du bout de mes mots, de mes lettres tapées. Je ne sais pas si c'est moi qui ai changé, si c'est à cause de cette indépendance, si au contraire c'est parce que je n'ai pas changé et suis restée la même, mais j'ai perdu bon nombre de gens que je considérais comme mes meilleurs amis. Je m'en suis fait d'autres mais les liens sont plus ténus, l'amitié est bien moins forte ; quand vous vivez presque 10 ans avec les mêmes amis, il est bien dur de retrouver les mêmes émotions. Les meilleurs sont restés, les menteurs sont partis.
En me retrouvant seule (ou presque), mes amis actuels vivant leur vie, je finis par avoir peur. Je ne voulais plus m'endormir dans ce grand lit froid, qu'allais-je faire le lendemain ? recommencer une journée identique à toutes les autres ? Mes insomnies, mes angoisses, ma solitude, je calmais tout ça en me couchant tard le soir ou tôt le matin, les yeux fatigués d'avoir trop fixés mon écran. J'ai appris par moi-même, j'ai sauté de pages en pages pour faire défiler le temps. Paradoxal, moi qui ai si peur de mourir...
Et puis j'ai découvert que je n'étais pas si seule que ça, d'autres personnes passaient leur temps, tout leur temps, devant leur PC, peut-être pas pour les mêmes raisons que moi, mais ça m'a bouleversée et le mot n'est pas exagéré. On m'a dit ce que j'étais, on m'a "qualifiée", j'ai enfin eu une existence, une reconnaissance : je suis une geekette, pendant féminin du geek. Je n'ai plus eu peur d'aller me coucher, je veillais très tard parce que j'aimais ça et parce que je me sentais acceptée et reconnue par d'autres. Ma vie a-t-elle changé juste parce que j'ai découvert ma geekitude ? Oui, grandement. J'y ai même trouvé l'Amour, moi qui pensais que c'était réservé aux autres, à "ceux qui ont une vie", mais les geeks aussi ont une vie, bien remplie et qu'ils chérissent.
Aujourd'hui, je n'ai plus peur de mon Futur, je sais que tout ira bien et j'aime ma vie intensément. Malgré ça, j'ai de nouveau du mal à aller me coucher parce que tu ne dors plus à mes côtés et que je me languis de ton retour, mon Tendre Geek...